vendredi 20 septembre 2024

Le plan d'eau du moulin d'Acigné au cours des siècles par Acigné Autrefois

Voici quatre ans qu'un déversoir du moulin d'Acigné s'est rompu, faisant baisser le niveau de la Vilaine en amont d'environ un mètre. Cette situation qui dure, pourrait avoir des conséquences négatives pour la zone humide de la Motte compte tenu de la baisse du niveau de la rivière.

Nous avons interrogé les historiens de l'association Acigné Autrefois sur l'historique du moulin et de son plan d'eau dans la commune d'Acigné. Selon leur président Jean-Jacques Blain, les premières mentions du moulin remontent au 12ème siècle. 

Avis de Courants Alternatifs : La rupture du déversoir remet donc en cause un écosystème vieux de 800 ans  !

Voici la réponse complète de Monsieur Jean-Jacques Blain d'Acigné Autrefois, qui explique les différents niveaux du plan d'eau au fil des siècles, ainsi que la constitution du marais de la Motte :

 La première citation du moulin d'Acigné dans les textes est de 1141-1157 (cf mémoire de Master 1 de Julie Maurice Les moulins à eau dans le Rennais du XIe au XIIIe siècle de 2006-2007 à l'Université Rennes 2). Il a donc été construit au plus tard à cette date, avec un barrage forcément, même s'il a dû être bien amélioré ensuite au fil des siècles. Les moulins à eau ont été créés pour la plupart entre le 10e et le 13e siècle. La première citation du moulin de Cesson est de 1032, pour mémoire.

On peut avoir une indication sur la hauteur de la retenue au Moyen Âge en examinant les vestiges du "Fort de la motte" des seigneurs d'Acigné, en amont du moulin, juste en face la base de kayak. Cette motte est datée de la fin du 12e ou du début du 13e siècle (rapport Acigné Autrefois / CERAPAR du relevé topographique effectué en 2019). La douve entourant la haute-cour (la motte elle-même) communiquait par un canal avec la Vilaine et ne peut qu'être contemporaine à l’édification de cette structure terroyée. Elle ne pourrait actuellement que rarement se remplir avec le niveau actuel de la Vilaine. Cela indique qu'au Moyen Âge le niveau de la retenue du moulin était au moins similaire à celui que nous avons connu avant la rupture du déversoir.

Les niveaux d'eau générés par les barrages des moulins ont d'ailleurs déjà baissé quelque peu lorsque l'utilisation de la force hydraulique a été abandonnée par les meuniers au profit de la vapeur ou de moteurs électriques, au XXe siècle. Auparavant les meuniers maximisaient la hauteur d'eau pour maximiser la puissance du moulin, en cherchant à régler les vannes au plus haut. Depuis l'arrêt des roues ou des turbines de moulins, cela n'a plus d'intérêt pour eux et ils ont réglé les niveaux un peu plus bas. C'est ce niveau que l'on connaissait les années avant la rupture du déversoir, qui était donc déjà un peu inférieur aux niveaux historiques.

Ceci se voit sur les photos anciennes, par exemple au Pont Rouge (en face les Onglées, en amont du moulin du Haut-Sévigné). Le niveau d'eau y apparaît sur ces photos anciennes constamment très haut par rapport à la situation d'aujourd'hui.

On peut noter que la configuration actuelle du marais de la motte, remarquablement plan, s'est sans doute établie en partie grâce à la retenue d'eau du moulin. Lors de sa création, au 11e ou 12e siècle, la vallée en amont du moulin devait être en V très ouvert et un étang a dû se créer (un peu comme encore aujourd'hui à Chevré, en La Bouëxière). Cet étang de retenue, ici peu profond, s'est comblé avec les sédiments se déposant dans le plan d'eau généré, configurant ainsi très lentement le marais plan que l'on connaît. Il a fini par ne laisser passer que l'échancrure du lit mineur de la Vilaine (le lit actuel entre le moulin et la Motte). Cette évolution s'est étalée sur 800 ou 900 ans, instaurant progressivement un nouvel équilibre écologique adaptée à cette évolution. C'est celui que nous connaissions avant la rupture du déversoir.

On peut d'ailleurs observer ce même phénomène à la queue des étangs de retenue médiévaux plus profonds et toujours en eau (étangs de Chevré sur le Chevré, de Marcillé-Robert sur la Seiche, de Martigné-Ferchaud sur le Semnon, etc) avec sédimentation et constitution de zones marécageuses parfaitement planes, constituant aujourd'hui des espaces humides qui constituent des réserves pour la faune et la flore typiques de ces milieux.


dimanche 15 septembre 2024

Vers une sobriété matérielle !

 Ce mercredi 11 septembre 2024, à la réunion mensuelle de Courants Alternatifs, Marine Degrenne, fondatrice de l'entreprise Les Ricochets (lesricochets.eu), après avoir fait un état des lieux de notre société d'hyper consommation et des impacts sur les ressources de la planète et sur notre santé nous a encouragés à mener des actions pour revenir à un mode de vie sobre, qui cherche à la fois à réduire le nombre de nos objets et à s'exercer à moins consommer, pour notre bien-être et celui de la planète. 

Elle nous a proposé quelques exercices et quelques défis pour devenir plus sobre.

Je maîtrise ma consommation

  • Je distingue besoins et envies.
  • Je me tiens loin du greenwashing et de la publicité. Et j’utilise la méthode BISOU (Besoin? - Immédiat? - Semblable? - Origine? - Utile?) de Marie Duboin et Herveline Giraudeau.
  • Je Refuse, je Réduis, je Réutilise (3 premiers R du Zéro Déchet)
  • Je fais l’inventaire de ce que j’ai précisément : je comptabilise et je range pour rendre visible mon stock.
  • Je repère les espaces de troc / de location (SEL, ludothèque, médiathèque, artothèque, bricothèque, ressourceries, espaces de gratuité) autour de chez moi et j’essaie de m’y mettre.
  • Je mise sur les cadeaux immatériels (qu’on m’offre ou que j’offre)
  • J’évite d’acheter neuf pour réduire la consommation de ressources
  • Si j’achète un nouvel objet = je sors un objet

Je pense à trier et désencombrer régulièrement

  • Je désencombre les objets qui dorment chez moi, s’ils sont en bon état, ils peuvent servir à d’autres !
  • J’arrête de stocker « au cas où », je me pose la question « au cas où quoi ? »
  • Je prends en photo les objets dont j’ai du mal à me séparer, pour m’en souvenir.
  • Je programme des sessions de tri dans mon agenda // ou je le fais au fil de l’eau (avec un carton dans l’entrée).
  • Je teste le Minsgame : un mois pour désencombrer 496 objets ( 1 objet, le premier jour, 2, le second, etc.)

La surconsommation = moteur de notre économie libérale et industrielle

 En bonus, Marinne  nous rappelle aussi le lien de cette ancienne (2009), mais toujours pertinent malheureusement, vidéo sur  "L'histoire des objets": https://www.youtube.com/watch?v=9GorqroigqM (en anglais).
Cette vidéo nous montre que le cycle de vie linéaire des objets, où tout finit dans la poubelle, créé et promu par les industriels, est un modèle sans avenir, contraire à la recherche du bien commun qui devrait être l'objectif de nos gouvernements. Il compromet la survie de l'humanité, en gaspillant les ressources de notre unique planète, en maltraitant la santé et le bonheur des gens. Ce système est boosté par la surconsommation qui nous est imposée par la publicité, l'obsolescence programmée et la mode. Le recyclage ne sera pas suffisant pour éviter le clash final. C'est le cycle vie complet qu'il faudra rendre circulaire, où les déchets de l'un deviennent les ressources de l'autre. Heureusement, une prise de conscience des gens se fait jour ...

Mégothon : La mer commence à Acigné

Le 8 septembre, avec le soutien de Courants Alternatifs et sous l’impulsion de quelques marcheurs, sept Acignolais se sont retrouvés pour effectuer un ramassage de mégots sur la commune. 


En effet, chaque mégot jeté par terre pollue 500 litres d’eau et nécessite une quinzaine d’année pour se dégrader. Le mégot est dans les 10  déchets les plus retrouvés dans les océans. Conscients de cette pollution, le groupe équipé de gants et de sacs, est parti de la place de la mairie, puis est passé près des jardins au Botrel, pour terminer la boucle par l’arrêt de bus de la Timonière. Après une bonne heure de marche, plus d’une centaine de mégots (plusieurs sacs) et un grand sac de déchets divers (canettes, emballages plastiques, bouteilles…) ont été collectés. 


L’opération sera renouvelée le 24 novembre prochain pour la Semaine Européenne de Réduction des Déchets. 

Si ça vous dit, rejoignez-nous à 10h30, place de la mairie ! 

dimanche 8 septembre 2024

Etat de la vilaine à Acigné : Où en est-on en 2024 ?

 Nous avions déjà alerté en 2023 sur les conséquences néfastes de la rupture d’un déversoir sur la Vilaine en amont du Moulin d’Acigné, rupture survenue en 2020, il y a donc 4 ans.

Une description plus détaillée de la situation et de ses causes est disponible ici: https://ca-acigne.blogspot.com/2023/03/la-vilaine-acigne-une-riviere-sinistree.html

En résumé :

- La rupture du déversoir a entraîné une baisse d’environ 1 mètre du niveau de la Vilaine en amont du moulin.

- Cela conduit à une dégradation du paysage, une érosion des berges de la rivière, la chute des arbres par dizaines ainsi qu’à des assecs en été à certains endroits autrefois préservés ce qui constitue une menace pour la biodiversité et les zones humides.

- Cette baisse du niveau de l’eau met en péril le club de Kayak-polo d’Acigné qui a contribué à la formation sportive de nombreux jeunes et à la renommée d’Acigné au niveau national et international au cours des années passées. La Breizhcup, rencontre annuelle de Kayak-polo avec la participation de nombreux clubs français ou étrangers ne peut plus avoir lieu, entraînant notamment des difficultés financières pour le club.

Malheureusement, la situation n’a pas changé en 2024, les berges de la Vilaine offrent toujours un triste spectacle et le club de Kayak-Polo s’enfonce dans les difficultés, sans que l’on puisse invoquer la sécheresse puisque la pluviométrie a été très surabondante sur les 11 derniers mois (912 mm à Acigné d’octobre 23 à août 24 pour une moyenne de 694mm/an entre 1981 et 2010 selon https://www.meteo.bzh/climatologie/normales/station) :


Berges de la Vilaine en mai 2024
Berges de la Vilaine en mai 2024

celui-là va bientôt tomber
Celui-là va bientôt tomber

l’organisme « Eaux et Vilaine » (https://www.eaux-et-vilaine.bzh/) a réalisé au cours de l’hiver 2024 un travail important conduisant à 3 propositions :

Proposition 1 – La reconstruction du déversoir pour revenir à la situation antérieure, chiffrée à environ 170 000€ avec un surcoût très élevé s’il faut ajouter des passes à poissons (total de l’ordre de 500 000€), cette option ne bénéficie d’aucun financement. C’est la seule solution susceptible de sauver le club de Kayak-Polo et de revenir à la situation « d’avant ».

Proposition 2 - La reconstruction partielle avec un niveau d’eau intermédiaire guère plus favorable que la solution 3 pour le club de Kayak.

Proposition 3 - La destruction totale du seuil chiffrée à moins de 100 000€ , au nom de la « continuité écologique », cette solution est entièrement financée et signerait la mort du club de Kayak.

Financièrement, tout s’oriente vers le choix de la destruction totale du seuil. Il faut bien comprendre que ce choix dit « de continuité écologique » résulte d’une interprétation française d’une directive européenne, qui en gros conduit à diaboliser les déversoirs et les seuils souvent présents depuis des siècles sur nos rivières. 

Cette vision est discutable et très discutée d’un point de vue scientifique.

Comme l’explique l’hydrobiologiste Christian Lévêque (voir note 1), tout cela repose philosophiquement sur l’idée que tout ce que construit l’être humain est par principe négatif, en référence à une nature primordiale totalement fantasmée (selon ce dogme, comment considérer les barrages construits par les castors : bien ou pas bien ? Voir https://www.especes-menacees.fr/actualites/reintroduction-castor-grande-bretagne/).

Des scientifiques se montrent ainsi très critiques sur la destruction des seuils et retenues de nos rivières:

Jacques Mudry, Professeur retraité d’Hydrogéologie à l’Université de Besançon, expert national et lauréat du prix Gilbert Catany 2023 :

« Les principes de recalibrage des cours d’eau, d’effacement des seuils, au titre du rétablissement de la continuité écologique, ont eu pour effets cumulatifs d’abaisser la ligne d’eau, de favoriser l’érosion, d’empêcher la recharge des nappes et la reproduction des poissons, d’évacuer plus vite les crues vers l’aval et par conséquent de favoriser l’assec total l’été »

Pinay et collab, 2017, CNRS – Ifremer - IRSTEA

« D’une manière générale, tout ce qui permet de ralentir l’écoulement de l’eau dans la rivière et de favoriser les échanges entre le cours d’eau et les sédiments, que ce soit la présence de seuils (petits barrages) et de mouilles, de méandres, de chenaux secondaires, d’embâcles, favorise aussi l’épuration de l’azote par dénitrification »

Dans un ouvrage récent « si les truites pouvaient parler », M. Pierre Potherat, géologue, décrit les conséquences dramatiques de ces destructions de seuils sur les rivières de la Seine amont et de l’Ource (Côte d’Or) :

« Au début du XXIème siècle, avec l’application de la continuité écologique, l’effacement planifié des ouvrages a entraîné la vidange de leurs retenues d’eau amont. La force érosive du courant aidant, l’abaissement de la cote au fil de l’eau s’est accru et, en été, dans la partie amont des cours d’eau, la nappe alluviale a fini par être complètement vidangée en raison d’une recharge de moins en moins efficace au fil des ans. Les assecs estivaux sont devenus plus fréquents et plus prolongés dans le temps. La nappe profonde qui bénéficiait de l’apport de la nappe alluviale a peiné à maintenir son niveau au préjudice de plusieurs sources du versant. (…)

En octobre 2023, cinq scientifiques ont publié un mémoire critique intitulé :  « Préservation de la ressource en eau, protection des zones humides et de la biodiversité : le rôle des petites retenues d’eau en France »:

M. Christian Lévêque (docteur es science, hydrobiologiste, ichtyologue)

M. Jean-Paul Bravard (géographe, géomorphologue, Université de Lyon)

M. Laurent Touchart (géographe, limnologue, Université d'Orléans)

M. Pascal Bartout (géographe, limnologue, Université d’Orléans)

M. Pierre Potherat (géologue)

Ce texte est accessible ici (consulté le 07/09/2024) : https://data.over-blog-kiwi.com/1/29/29/08/20240109/ob_01cbd0_avis-de-scientifiques-sur-le-role-des.pdf

On se contentera de reproduire ci-dessous une partie de la conclusion :

« La préservation des petites retenues d’eau aménagées de longue date sur nos bassins

apparaît primordiale et leur destruction nous privera des effets positifs escomptés, comme

nous le constatons en France.

Nous, hydrobiologistes, limnologues, géologues, géographes devons informer les différents

acteurs agissant dans le domaine de l’eau que la politique d’effacement des petits ouvrages

hydrauliques met immanquablement en péril la préservation de nos réserves d’eau douce, la

sauvegarde des milieux humides ainsi que la biodiversité associée. »

A noter que d’autres pays semblent prendre une direction différente avec des moyens simples :

Exemple de la Slovaquie qui construit des petits barrages de rétention en bois pour ralentir l'eau (même si un avertissement « politiquement correct » ajouté à la fin de la vidéo cherche à tempérer le contenu dans la version française)

https://www.youtube.com/watch?v=1C3gQ4QvfBI

Enfin pour aller plus loin dans cette vision critique je conseille les liens suivants :

les vidéos de la fédération des moulins de France FFAM :https://www.youtube.com/@ffammoulinsdefrance3633/videos

et en particulier :

la présentation de M. Christian Lévêque hydrobiologiste  https://www.youtube.com/watch?v=HvlwHEG5UE4&t=42s

Un exposé très détaillé sur les apports des seuils de moulins https://www.youtube.com/watch?v=yi_I1O_0h0I

L’enregistrement du débat parlementaire qui montre bien le «trouble» des politiques de tous bords à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=4NopwQgJRxI avec un amendement qui permet de « sauver » les moulins qui autrement seraient voués à la destruction.

L’exemple du Thouet dans le Maine-et-Loire qui fait penser à ce que nous vivons à Acigné :https://www.youtube.com/watch?v=qKZI0CCZiyo

Il serait donc souhaitable d’examiner la situation de façon plus ouverte et d’admettre que les petits ouvrages sur nos rivières peuvent aussi avoir des avantages :

- Rétention d’eau permettant les activités nautiques

- Ralentissement des écoulements

- Amortissement des phénomènes de crues et lutte contre les inondations

- Diversification des milieux et de la biodiversité qui va avec (la biodiversité ne se limitant pas aux poissons migrateurs, les autres espèces ont aussi le droit de vivre…) et préservation des zones humides

- Alimentation des nappes phréatiques

- Maintien d’espaces aquatiques importants lors des sécheresses

- Amélioration de la qualité des eaux par dénitrification

- Possibilité d’une production électrique renouvelables (petite hydraulique)

Enfin, dans le cas d’Acigné, on peut s’inquiéter de l’avenir des zones humides qui bordent la vilaine et du risque d’assèchement lié à la baisse de 1 m constatée sur le niveau de la rivière . La fiche MNIE (milieux naturels d’intérêt écologique) indique d’ailleurs dans le paragraphe « Evolutions et menaces en cours » un risque d’assèchement.

https://www.audiar.org/storymap/mnie/fiches_mnie/13AC.pdf


Fiche MNIE sur les zones humides d’Acigné
Fiche MNIE sur les zones humides d’Acigné

On pourra aussi s’interroger sur la pérennité des investissements engagés dans le passé par la commune d’Acigné pour la construction de la base nautique.

Espérons pour Acigné que la solution de reconstruction du seuil sera choisie afin de retrouver nos beaux paysages d’antan et de permettre au club de Kayak-Polo de renouer avec sa renommée passée, quitte à être imaginatif avec par exemple une participation citoyenne au financement de cette reconstruction.

Michel Frangeul

Note (1) : Christian Lévêque, co-auteur du livre « La gestion écologique des rivières françaises – Regards de scientifiques sur une controverse » - L’Harmattan