Voici quatre ans qu'un déversoir du moulin d'Acigné s'est rompu, faisant baisser le niveau de la Vilaine en amont d'environ un mètre. Cette situation qui dure, pourrait avoir des conséquences négatives pour la zone humide de la Motte compte tenu de la baisse du niveau de la rivière.
Nous avons interrogé les historiens de l'association Acigné Autrefois sur l'historique du moulin et de son plan d'eau dans la commune d'Acigné. Selon leur président Jean-Jacques Blain, les premières mentions du moulin remontent au 12ème siècle.
Avis de Courants Alternatifs : La rupture du déversoir remet donc en cause un écosystème vieux de 800 ans !
La première citation du moulin d'Acigné dans les textes est de 1141-1157 (cf mémoire de Master 1 de Julie Maurice Les moulins à eau dans le Rennais du XIe au XIIIe siècle de 2006-2007 à l'Université Rennes 2). Il a donc été construit au plus tard à cette date, avec un barrage forcément, même s'il a dû être bien amélioré ensuite au fil des siècles. Les moulins à eau ont été créés pour la plupart entre le 10e et le 13e siècle. La première citation du moulin de Cesson est de 1032, pour mémoire.
On peut avoir une indication sur la hauteur de la retenue au Moyen Âge en examinant les vestiges du "Fort de la motte" des seigneurs d'Acigné, en amont du moulin, juste en face la base de kayak. Cette motte est datée de la fin du 12e ou du début du 13e siècle (rapport Acigné Autrefois / CERAPAR du relevé topographique effectué en 2019). La douve entourant la haute-cour (la motte elle-même) communiquait par un canal avec la Vilaine et ne peut qu'être contemporaine à l’édification de cette structure terroyée. Elle ne pourrait actuellement que rarement se remplir avec le niveau actuel de la Vilaine. Cela indique qu'au Moyen Âge le niveau de la retenue du moulin était au moins similaire à celui que nous avons connu avant la rupture du déversoir.
Les niveaux d'eau générés par les barrages des moulins ont d'ailleurs déjà baissé quelque peu lorsque l'utilisation de la force hydraulique a été abandonnée par les meuniers au profit de la vapeur ou de moteurs électriques, au XXe siècle. Auparavant les meuniers maximisaient la hauteur d'eau pour maximiser la puissance du moulin, en cherchant à régler les vannes au plus haut. Depuis l'arrêt des roues ou des turbines de moulins, cela n'a plus d'intérêt pour eux et ils ont réglé les niveaux un peu plus bas. C'est ce niveau que l'on connaissait les années avant la rupture du déversoir, qui était donc déjà un peu inférieur aux niveaux historiques.
Ceci se voit sur les photos anciennes, par exemple au Pont Rouge (en face les Onglées, en amont du moulin du Haut-Sévigné). Le niveau d'eau y apparaît sur ces photos anciennes constamment très haut par rapport à la situation d'aujourd'hui.
On peut noter que la configuration actuelle du marais de la motte, remarquablement plan, s'est sans doute établie en partie grâce à la retenue d'eau du moulin. Lors de sa création, au 11e ou 12e siècle, la vallée en amont du moulin devait être en V très ouvert et un étang a dû se créer (un peu comme encore aujourd'hui à Chevré, en La Bouëxière). Cet étang de retenue, ici peu profond, s'est comblé avec les sédiments se déposant dans le plan d'eau généré, configurant ainsi très lentement le marais plan que l'on connaît. Il a fini par ne laisser passer que l'échancrure du lit mineur de la Vilaine (le lit actuel entre le moulin et la Motte). Cette évolution s'est étalée sur 800 ou 900 ans, instaurant progressivement un nouvel équilibre écologique adaptée à cette évolution. C'est celui que nous connaissions avant la rupture du déversoir.
On peut d'ailleurs observer ce même phénomène à la queue des étangs de retenue médiévaux plus profonds et toujours en eau (étangs de Chevré sur le Chevré, de Marcillé-Robert sur la Seiche, de Martigné-Ferchaud sur le Semnon, etc) avec sédimentation et constitution de zones marécageuses parfaitement planes, constituant aujourd'hui des espaces humides qui constituent des réserves pour la faune et la flore typiques de ces milieux.
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